Timothe e. Picard Knihy

"La fin de la musique !" : telle serait la conséquence de la défaite de l'Allemagne dans la Première Guerre mondiale, si l'on en croit Thomas Mann, théoricien d'un véritable "choc des civilisations" dont les musiques de Verdi et de Wagner seraient les symboles. Savoir comment les deux compositeurs ont pu devenir les représentants par excellence de l'"italianité" et de la "germanité", des cultures "méditerranéenne" et "nordique", déterminer ce que l'on entend par là lorsque l'on est Italien ou Allemand, Français ou Anglais, d'hier ou d'aujourd'hui, tel est l'enjeu de ce livre. En contrepoint, l'auteur se demande quelle figure est susceptible de jouer en France un rôle comparable. 11 montre aussi combien cette confrontation se nourrit de lieux communs présents bien avant le xix' siècle, et remonte jusqu'aux origines de l'opéra, dont les principales nations européennes ne cessent de réécrire la naissance, pour mieux s'en attribuer la paternité.

Dans une formule provocante, Nietzsche dclare que " Wagner rsume lui seul la modernit ". Cet ouvrage, complmentaire de l'tude L'art total, grandeur et misre d'une utopie (galement publi aux Presses Universitaires de Rennes), part de la formulation d'un double dfi pos par Wagner la littrature : un dfi reprsent par Stphane Mallarm tout d'abord, selon lequel la littrature devrait " reprendre la musique un bien qui lui aurait t drob " ; un dfi associ Thomas Mann ensuite, d'ordre thique, esthtique et politique, qui amne la littrature s'interroger sur la substance de la musique et de l'art en gnral. Ce double dfi rend compte de l'enchevtrement de plus en plus problmatique des modles historiques et esthtiques propres la modernit, dont les contradictions fcondes et tragiques clatent travers l'Europe de la premire moiti du XXe sicle. Ds lors, pour la littrature comme pour l'histoire des ides, Wagner ne semble plus autre chose qu'une figure informatrice de dbats ne l'engageant qu'indirectement, et qui ont pour thtre une Europe culturelle et spirituelle qu' travers lui on divise violemment ou tente au contraire de rconcilier.