Bernard Bourgeois Knihy

La philosophie hégélienne accomplit chacune des deux exigences fondamentales de l'homme, l'exigence théorique d'un savoir total et l'exigence pratique d'une vie libre, en les identifiant dans leur unité systématiquement prouvée. Parce qu'elle fait ainsi coïncider la cime de la spéculation et l'effectuation la plus concrète, elle écrase et séduit tout à la fois, dans le destin si contrasté qui fut et reste le sien. Toujours présente et non remplacée à sa propre hauteur dans une histoire où sa négation a elle-même été niée, elle mérite d'être revisitée sans cesse, et sans doute aujourd'hui – où l'approfondissement du concept ne suit pas la luxuriance des représentations – plus que jamais.

Le vocabulaire hégélien est celui de la langue la plus commune. Mais la difficulté du discours de Hegel vient de ce qu'il exploite la complexité des relations pensantes entre ses mots simples, originairement constitutive du sens de ceux-ci. Un Vocabulaire de Hegel doit donc déployer en chacun des articles retenus, et dans la perspective définie par chacun des mots expliqués, la totalisation articulée et hiérarchisée de leurs sens. Voulant actualiser en lui-même la signification proprement philosophante du vocabulaire hégélien, il imposera au lecteur la répétition d'un seul et même exercice de pensée, puisque, dans chaque article, c'est le même tout pensé et dit qui se dit singulièrement. Il est vrai que penser Hegel, c'est le repenser, toujours !

Le paradoxe, et donc l'intérêt, de la philosophie de Fichte est qu'elle fonde et comprend dans le discours le plus abstraitement systématique la vie en ce qu'elle a de plus commun. Son contenu, qui n'est pas un être essentiel séparé de l'existence mondaine, mais l'intelligible immanent au sensible, l'éternel agissant au cœur du temps, l'esprit vivifiant tout, incite à assumer intensément le présent. Tandis que sa forme, qui exige tant du lecteur, même dans les écrits dits populaires, élève à ses limites une pensée qu'elle cultive ou, mieux, fait se cultiver, de manière exceptionnelle. Tel est bien le message de Fichte : penser vraiment en vivant pleinement.

Fichte n'expose pas à son lecteur un simple agencement de concepts, mais, à travers ses propositions, qui sont de véritables demandes (pense-toi toi-même, et regarde comment tu fais pour susciter la signification « Moi » !), il l'incite à ré-effectuer, cette fois réflexivement, l'acte pensant irréfléchi produisant cette signification. C'est pourquoi on a tenté, pour faire comprendre le sens des termes composant ce Vocabulaire de Fichte, et au lieu d'en offrir seulement des définitions nominales, de les rapporter à la reconstruction organique, par le philosophe, de la genèse spirituelle des significations. De la sorte, la lecture du présent Vocabulaire devrait être une incitation à déjà se former à l'acte de penser fichtéen.

La philosophie allemande classique fut la première à philosopher sur la philosophie et, notamment, à discerner que, en dépit de sa visée universaliste, cosmopolitique, de discours sur l'homme en général, la philosophie était conditionnée par son contexte culturel particulier dans son effort même de négation de celui-ci.

Rien n'a de valeur ni de signification inconditionnee, si ce n'est la vie: tel fut le principe au nom duquel Fichte libera le Moi d'abord de la puissance apparente de l'objet (la chose en soi), puis - par l'approfondissement de sa reflexion vivifiante - de ses propres limites, en decouvrant au coeur de lui-meme la presence agissante d'un Sujet infini. Mais la celebration de la maitrise morale de l'etre mondain ou de l'amour religieux de l'Etre divin se justifia toujours dans le plus rigoureux et le plus scientifique des discours: c'est dans une absolue fidelite a lui-meme que le savoir philosophique fichteen se libere de lui-meme. Le present ouvrage expose les fondements, les etapes et les resultats d'une telle liberation philosophique.

La philosophie hégélienne culmine avec l'analyse du rapport entre le moment infini, absolu, divin, et le moment fini, objectif, humain, de l'esprit. Le premier donne son sens - religieux et philosophique - au second qui, en retour, le fait exister - politiquement. Chacun d'eux joue ainsi un rôle spécifique au sein de leur unité cependant fondamentalement divine. A l'encontre de toutes les interprétations anthropologiques du hégélianisme, le texte de Hegel vérifie l'actualisation d'une telle relation dialectique, mais hiérarchisée, entre l'humanité et la divinité de l'esprit, au sein de l'histoire politique comme au sein de l'histoire de la religion et de la philosophie, et, plus généralement, dans le rapport même de celles-ci. La présente étude propose donc une thèse sur l'articulation hégélienne de la politique, de la religion et de la philosophie dans le développement de l'esprit.

"La pause actuelle des grandes causes libératrices de l'humanité, de la clairvoyance héroïque et de l'énergie populaire, dissout l'histoire peinant à faire événement dans la rhapsodie purement spectaculaire de simples coups. Le présent recueil propose quelques éléments d'analyse de la difficulté multiforme d'une gestion raisonnable de ce qu'on a pu appeler une fin de l'histoire rationnelle. C'est encore, pour un tel objectif, le premier et, à son niveau d'acuité, toujours le seul théoricien de ce thème, c'est encore Hegel qui - dans la surabondance assez pauvre de la littérature s'y rapportant - nous arme le mieux pour comprendre, et tenter de maîtriser, l'époque paradoxale de l'histoire qu'est la nôtre."--Page 4 of cover